Sur la trace des Amérindiens
Après avoir passé 6 étés à Minogami, j’ai suffisamment de bonnes histoires en mémoire pour en faire un petit recueil. Cependant, si on me demande de raconter l’aventure la plus folle que j’ai vécue, un épisode bien spécial me vient immédiatement en tête. Le voici!
C’était en 2015. J’étais alors moniteur-pionnier sur le trajet « Matawin-Vermillon ». La première moitié de l’expédition s’était passée sans pépins, si bien que nous avions atteint notre site de ravitaillement un jour à l’avance. Ne voulant pas perdre cette journée inutilement, j’avais eu l’idée d’aller faire quelques travaux de défrichage en prévision de la suite.
En effet, la journée suivant le ravitaillement comportait cinq différents portages. Ces derniers étaient réputés pour être difficiles. Ainsi, je souhaitais couper quelques branches particulièrement nuisibles à l’aide de ma hache. Ça nous serait utile, de même qu’aux autres groupes qui passeraient plus tard.
J’en avais donc parlé à mon coéquipier (le légendaire Florent Deschênes) et nous avions décidé que j’irais faire le bucheron avec deux campeurs. Évidemment, la majorité des gars préféraient prendre une journée de repos sur la plage du Lac Cousacouta plutôt qu’aller débroussailler des sentiers de portage. Malgré tout, deux volontaires s’étaient levés : Marc-Olivier Derouin et Arthur Genest-Ouellet. (Encore merci les boys!)
Nous étions partis au petit matin et toute la journée nous avions vaillamment défriché les sentiers. Vers 3 h de l’après-midi, nous étions exténués : il était temps de rentrer. On fit donc demi-tour et on commença à remonter la rivière. C’est ici que survient l’incroyable évènement!
Sorti de nulle part, un hélicoptère vint survoler la rivière à quelques mètres à peine de notre canot, créant des vagues circulaires à la surface de l’eau. Puis, effectuant un virage à 180 degrés, l’engin se posa dans les herbes hautes sur le rivage.
Qu’est-ce que se passait? Que nous voulaient ces gens? Étaient-ils là pour nous porter assistance? Intrigué, je dis aux gars qu’on devait aller voir ça de plus prêt.
* Ça, c’est ÉPIQUE, répondit Marc-Olivier les yeux ronds.
Après, avoir rejoint la rive, on sortit du canot et on s’avança vers les inconnus qui sortaient tranquillement du matériel de l’hélico. Ils nous regardaient avec les mêmes yeux étranges que les nôtres, l’air de se dire : « qu’est-ce que vous faites ici » ? La discussion qui s’ensuit fut très intéressante!
Il s’agissait d’une équipe d’archéologues québécois qui effectuait des recherches sur un ancien campement amérindien vieux de plus de 1000 ans! Ils nous expliquèrent que ce site renfermait des artefacts permettant de prouver que jadis les Amérindiens portageaient leurs canots pour contourner les mêmes rapides infranchissables que nous devions encore éviter.
De notre côté, on leur apprit qu’un sentier de portage existait toujours, situé un peu plus loin. On ajouta que celui-ci était entretenu par les groupes de Minogami. Les archéologues furent fascinés par cette information. Ils n’en revenaient pas que de jeunes aventuriers revivent les épreuves du passé, utilisant un sentier presque identique à celui qui devait exister des milliers d’années auparavant. Pour eux, c’était un indice supplémentaire que ces parages étaient autrefois été fréquentés par des Amérindiens voyageant sur la rivière.
Cette rencontre inusitée se poursuivit pendant de longues minutes, jusqu’à ce qu’il soit l’heure de rentrer pour ne pas inquiéter le reste du groupe. À notre retour au campement, on raconta cette péripétie aux autres qui avaient du mal à nous croire.
Pourtant, deux jours plus tard, lorsque nous repassions, les archéologues étaient toujours là. Ils nous firent même un exposé sur leurs recherches. Ce fut un cours d’archéologie très excitant où ils nous montrèrent ce qu’ils avaient trouvé : des éclats de roche principalement…
Quand je repense à cet épisode, je me dis que les expéditions que nous avons la chance de vivre à Minogami nous amènent sur les traces des Amérindiens. Ça ajoute un petit « je-ne-sais-quoi » à la beauté de nos aventures.
Par Yanik Bisson-Lessard